Bhoga et Apavarga
Deux concepts clés issus du Sāṃkhya Darshana pour rendre l’esprit plus léger et la vie plus heureuse
Bhoga et apavarga sont deux mots sanskrits dont les significations et définitions varient selon le contexte. Ici, nous définirons bhoga comme « expérience » et apavarga comme « libération ».
Comment et pourquoi bhoga et apavarga doivent-ils travailler main dans la main et comment cette relation est-elle essentielle pour améliorer notre expérience humaine ?
Nous vivons dans un monde où nous sommes sans cesse en quête de « plus ». Plus de succès, plus de richesse, plus de choses matérielles, plus d’émotions, plus de sensations, plus de … plus. À tel point que nous avons créé un concept appelé FOMO (Fear of Missing out – la peur de rater quelque chose). Dans nos sociétés modernes, les spécialistes du marketing présentent les expériences comme quelque chose que nous devons absolument essayer. Et nous avons l’impression que ce « plus » nous rendra plus heureux et assouvira notre faim. Nous imaginons que chaque nouvelle expérience positive nous permettra de nous sentir davantage en sécurité, aimés et heureux. Nous continuons donc à vivre des expériences diverses et variées dans l’espoir que cela nous satisfasse.
Cependant, expérimenter la vie pour le simple plaisir et accumuler les expériences sans les assimiler crée un terrain propice à l’addiction. Le cerveau devient accro aux sensations positives, à l’augmentation de la dopamine et il en veut plus. C’est là que la définition suivante de bhoga prend tout son sens « la jouissance du plaisir terrestre qui empêche la réalisation de soi »1. Au lieu d’avoir un impact positif sur nos vies, les expériences nous éloignent du but final.
Toutes les philosophies indiennes s’accordent sur le fait que les êtres humains souffrent tous pour la même raison. Cette raison étant avidyā (erreur d’identification/ignorance). Pour mettre fin à la souffrance, il faut atteindre le but final : apavarga (la libération). Il existe de nombreuses façons de se libérer et l’une d’entre elles passe par l’expérience. Comme un scientifique, un yogi doit expérimenter la vie pour connaître la vérité.
C’est pourquoi selon cette tradition, bhoga et aparvarga doivent aller de pair. Recueillir des expériences sans en tirer des leçons, c’est comme collecter des données sans les analyser. Ce serait un ensemble de données sans aucune signification. Bhoga en lui-même est simplement une poursuite motivée par nos envies et nos aversions, nos goûts et nos dégouts. Comme tout adulte le sait, il est parfois de notre responsabilité de faire des choses que nous n’aimons pas nécessairement, car c’est ce qui doit être fait.
Les anciens yogis l’avaient clairement compris. C’est pourquoi ils faisaient la distinction entre un bhogi et un yogi. Le bhogi est celui qui utilise les expériences pour son plaisir personnel et le yogi est celui qui utilise l’expérience pour sa croissance personnelle.
Ces philosophies supposent que, jusqu’à ce qu’ils voient les choses telles qu’elles sont réellement, les êtres humains s’identifieront au complexe corps/esprit qui leur appartient. Le Sāṃkhya Darshana fait la distinction entre deux entités : purusha et prakriti. Purusha étant le Soi (le sujet) et prakriti étant tout le reste du corps/esprit/monde etc. (l’objet). Selon la philosophie Sāṃkhya, les personnes voient les choses clairement seulement lorsqu’elles comprennent qui elles sont réellement (purusha) et qu’elles arrêtent de s’identifier aux entités qu’elles ne sont pas.
Chaque expérience n’est qu’une expérience. Comme le tofu, tant qu’on ne le fait pas mariner ou qu’on ne lui ajoute pas d’épices, il n’y pas de goût.
Faire face aux expériences fait partie de la vie. Agréable et désagréable. Notre liberté est de choisir quelle saveur y ajouter. Changer de perspective et considérer les expériences comme des bénédictions plutôt que comme des malédictions fait une énorme différence dans notre vie quotidienne. Plutôt que de se dire « pourquoi moi ? » chaque fois que quelque chose de désagréable nous arrive. Pourquoi pas plutôt se demander : « Qu’est-ce que cette personne/situation/expérience essaie de m’apprendre ? » ou « comment puis-je en tirer des leçons ? ». Depuis que j’ai changé de perspective, je sens que chaque expérience m’apporte davantage de clarté. Cela me permet de faire le tri entre ce qui est bon pour moi et ce qui ne l’est pas. Cela m’a aussi fait réaliser à quel point la foi avait un impact énorme sur ma vie. Je crois que la vie ne nous met sur le chemin que des défis auxquels nous sommes capables de faire face. D’une manière ou d’une autre, j’ai toujours su quoi faire face à des choix cruciaux. Cela ne veut pas dire que ce n’étais pas douloureux parfois et que j’ai toujours écouté mon intuition. Mais faire confiance à la vie et au processus de la vie libère la pression que j’ai tendance à me mettre. Et considérer chaque expérience comme un moyen d’atteindre l’objectif final est très stimulant et libérateur.
Mon objectif personnel dans cette vie est d’aller vers un esprit un peu plus calme et un peu plus léger. Etre reconnaissante pour chaque expérience qui se présente sur mon chemin et de faire de mon mieux pour la traiter et l’intégrer sans m’y attacher. Ce sont des éléments clés. Il est essentiel de trouver le bon équilibre et de ne pas tomber dans le piège d’une réflexion trop intense et d’une analyse excessive. Nous devrions tirer les leçons de nos expériences et avancer au lieu de nous y accrocher. S’attacher au résultat de l’expérience crée de l’anxiété et de la confusion au lieu de la clarté et de la légèreté. Parfois, nous ne savons pas vraiment quoi retenir de l’expérience et c’est okay. Parfois, nous devons revivre plusieurs fois les expériences pour les intégrer.. Et parfois, les choses se délient simplement plus tard. Ça arrive. C’est pourquoi nous devons faire confiance au processus et garder les choses simples. La foi nous aide à être plus légers. Nous devons être convaincus que chaque expérience nous fera faire un petit pas de plus vers la libération. Praktiti est un outil merveilleux et, en tant que yogis, nous devrions utiliser la prakriti sans nous y laisser piéger. Bhoga est là pour nous servir tant que nous l’utilisons pour apavarga.
Que l’on croie ou non à la libération de l’âme et à la philosophie Sāṃkhya, les concepts de bhoga et d’apavarga sont toujours autant d’actualité aujourd’hui. À mon niveau personnel, cela me permet d’évoluer vers une vie plus équilibrée et plus heureuse. Être avide d’expériences positives et éviter les expériences négatives ne nous mènera nulle part. Tony Robbins dit régulièrement « La vie arrive pour toi et non pas à toi »2. Voir chaque expérience (agréable ou désagréable) comme quelque chose qui peut nous faire grandir est très stimulant. Lorsque nous voyons le monde comme un terrain de jeu rempli d’expériences dont nous pouvons tirer des leçons, la vie devient plus légère et plus paisible. Même si nous n’avons pas nécessairement d’impact direct sur notre situation, nous pouvons au moins choisir la manière dont nous la percevons.
Nous sommes déjà confrontés à énormément de pression et de stress dans cet environnement en constant changement. Il n’est pas nécessaire de se précipiter. Nous n’avons pas besoin de nous mettre une pression supplémentaire. Cependant, changer de perspective et voir le monde comme une entité là pour nous servir est essentiel pour se sentir plus léger et plus heureux. Petit à petit, les choses se délient.
Plus je marche sur le chemin, plus je me sens soutenue.
Chaque individu doit utiliser ses propres expériences pour apprendre, grandir et évoluer à son rythme. Ce n’est pas une compétition. Chacun doit faire ce qui doit être fait, rester sur le chemin et c’est là que la foi entre en jeu. Faire confiance au processus de la vie, être responsable de la façon dont nous vivons la vie autour de nous, être acteurs de notre propre réalité, c’est le travail qui doit être accompli pour un esprit plus léger et plus heureux.
Avec Amour ♡
Julie
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